Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Perdre un frère ou une sœur dans son enfance : « On se met en retard de plein d’amour, on a besoin d’être consolé terriblement, et il n’y a personne pour le faire à ce moment-là »

Son grand frère est parti de la maison, et il ne l’a plus jamais revu. Florent Baheux a 9 ans lorsque Adrien est assassiné. Il se souvient : « J’en ai fait un déni pendant seize ou dix-sept ans. » A la maison, la mort d’Adrien est taboue. Sa mère est « dans la paperasse » et mène son enquête en parallèle de la police, son père tente de lui changer les idées, en vain.
A l’école, quand ses camarades de classe l’interrogent, il répond qu’il est fils unique. Quelques années plus tard, il quitte le cocon familial, termine ses études, trouve un travail, un appartement et une copine. Mais, à 25 ans, malgré une « certaine stabilité », là où beaucoup de jeunes actifs auraient commencé à « kiffer leur vie », la question du deuil refait soudain surface, ravivant le souvenir de la nuit où son frère est mort.
Aujourd’hui, à 31 ans, il se sent toujours coupable du décès d’Adrien. « C’était un mardi soir. Le mercredi, je n’avais pas école, j’avais pu rester un peu plus longtemps pour regarder le film du soir à la télé. Donc c’est moi qui ai ouvert la porte et qui ai crié, du bas de l’escalier : “Adrien, il y a quelqu’un pour toi”, raconte avec émotion le jeune homme. J’ai toujours cette culpabilité d’avoir ouvert la porte et de l’avoir amené à sa mort. » Comme son grand frère a pour habitude de sortir et de revenir « à l’improviste », sa famille ne s’inquiète pas de son absence. « Il allait souvent traîner avec ceux qu’on pensait être des copains », révèle-t-il avec amertume.
Florent Baheux est resté à l’écart de l’enquête et du procès. « Le tueur a été identifié, jugé et mis en prison », résume-t-il sèchement, tout en précisant que le jugement ne l’a pas aidé à tourner la page. Plus tard, il apprend de ses parents que c’est « pour une histoire de Mobylette à réparer et à rendre et pour quelques grammes de drogue et quelques euros en suspens » que son frère a été assassiné. « J’ai essayé de plonger mon nez dans les expertises policières et de chercher des articles sur Internet, mais ça m’a fait peur et j’ai arrêté », avoue Florent Baheux.
La perte d’un membre de la fratrie à un jeune âge est une « déflagration », car les enfants ou adolescents n’arrivent pas à l’exprimer. Puis les années passent. Et arrive l’événement déclencheur : une date d’anniversaire, une grossesse ou une période de chômage. Classiquement, la phase de deuil est marquée par sept étapes (le choc, le déni, la colère, la tristesse, la résignation, l’acceptation et la reconstruction). « Il peut même se trouver que les étapes du choc et du déni soient inversées pour les enfants », constate Ariel Simony, psychologue, spécialiste des problématiques de deuil, d’angoisse et des traumatismes.
Il vous reste 73.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish